Mercantour 12 et 13 mai 2012

Le compte-rendu de ces journées dans un cadre grandiose est en cours...

Voici quelques photos de RF:

Merci à Jean-Claude Gooris pour ses photos de samedi, dans l'Authion,

et à Michel et Annie Pinaud:

Voici le compte-rendu de Marie-Claude Lerey qui nous a reçus si gentiment dans son arrière pays niçois.

 

Samedi 12 mai 2012 : L'AUTHION

 

Culminant à 2080 m d’altitude, à la Pointe des Trois communes, le massif de l’Authion domine par ses pentes vertigineuses les vallées de la Vésubie, de la Bévéra et de la Roya.

 

Il est situé en bordure du parc national du Mercantour, au nord-est du col de Turini. Il offre des vues magnifiques :

- au sud, sur la mer méditerranée et les pré-Alpes boisées de Nice (parfois même sur la Corse),

- au nord, sur les hauts sommets frontaliers et les vastes alpages se trouvant au pied du Grand Capelet (2935 m) et de la Cime du Diable (2685 m) lesquels abritent, avec le Mont Bégo (2872 m), les remarquables gravures rupestres de la Vallée des Merveilles,

 

Si aujourd'hui ce massif est renommé pour sa flore et sa faune, il n'en a pas toujours été ainsi. En effet, sa situation stratégique lui a valu, après la Révolution française, ainsi qu'à la fin de la seconde guerre mondiale, d'être le théâtre de sanglants combats.

 

Pour témoignage, on y retrouve de nombreuses ruines des casernes et des fortifications qui y avaient été construites, comme on pourra le voir sur les photos ci-dessous.

Il a aussi une autre réputation : celle d'être très "arrosé" ; mais heureusement il n'en sera rien ce samedi ; bien au contraire, c'est sous un chaud soleil que notre prospection s'effectuera pour le plaisir d'un groupe, très enthousiaste.

 

Le rendez-vous est fixé au Col de Turini, au 12 mai à 10 h.

Neuf participants venant de loin, ont choisi d'arriver la veille au soir et se sont retrouvés à l'Hôtel "Les Chamois". C'est donc autour d'un excellent repas, et dans une joyeuse ambiance que les "festivités" ont commencé.

 

Samedi 12 mai, à 10 heures, les 22 orchidologues inscrits sont présents et prêts à partir à la recherche des plantes. Chacun sait que le nombre d'espèces d'orchidées, à 2000 m d'altitude, à cette date, sera très réduit ; ainsi donc les plantes alpines sont très attendues.

 

Les primevères : Primula veris, (principalement) la primevère du printemps, à calice très renflé, anguleux, à corolle jaune doré et la Primula elatior, la primevère élevée, à calice non renflé, à corolle jaune soufre clair tapissent une grande partie de l'immense prairie. Ce sont des fleurs qui ne surprennent personne, néanmoins leur densité agrémente fortement le paysage.

 

Dès le premier arrêt, comportant essentiellement une prairie boisée de mélèzes, Larix decidua (pinacée) qui viennent tout juste de se parer de leurs aiguilles souples, la "boîte à questions" est ouverte. Les gagées (Liliacées) sont des plantes difficiles à identifier lorsqu'on ne dispose que des éléments aériens et l'une d'elle nous confirme tout de suite cette difficulté. Est-ce Gagea lutea : la Gagée jaune, ou Gagea liotardii (ex G. fragifera), la gagée de Liotard ou Gagée fistuleuse qui a, en France, une aire de répartition restreinte aux pâturages des hautes montagnes (Alpes de la Savoie, du Dauphiné, de la Provence ; chaine des Pyrénées ; Corse). Ce sera finalement cette dernière qui l'emportera.

Alors qu'elle est très peu présente dans ce premier secteur, nous la reverrons fréquemment et en grande quantité au cours de la journée, éclairer les pâturages de ces lumineuses petites étoiles.

 

Les plantes qui l'entourent dévoilent sans difficulté leur identité ; il s'agit de :

 

- Corydalis solida, la Corydale à bulbe plein (Papaveracée), en une importante colonie devant nous mais que l'on rencontre plutôt solitaire tout au long de la journée. Bien que son aire de répartition s'étende à quasiment tout le territoire français, elle est peu fréquente dans les Alpes Maritimes;

- Crocus albiflorus (Crocus vernus subsp albiflorus) le Crocus de printemps (Iridacée) dont une bonne partie de la prairie est parsemée. Ses fleurs sont majoritairement blanches, parfois mauves, isolées ou groupées en petits bouquets;

- Viola calcarata, la Violette éperonnée ou Pensée des Alpes (Violacée) qui égaye d'une façon remarquable une grande partie de la pelouse; ses fleurs sont violettes, jaunes, blanches ou panachées ; isolées ou formant des touffes d'une seule couleur. C'est vraiment un régal pour les yeux.

- Potentilla micrantha, la potentille à petites fleurs (Rosacée), nous la rencontrerons très peu. Elle est pleine de délicatesse avec ses pétales blancs, espacés, qui laissent voir les sépales rougeâtres en dedans ; 

- Cystopteris fragilis une fougère (Athyriacée) qui orne de ses jeunes frondes un mur de pierres.

 

Avant d'aller prospecter un peu plus loin, nous profitons du site propice à la "photo de famille".

Au deuxième arrêt, situé aux alentours de 1800 m d'altitude aussi, nous prospectons une pelouse ensoleillée tapissée de :

 

- Dactylorhiza sambucina, l'Orchis sureau, forme rouge principalement car plus précoce que la forme jaune, laquelle commence tout juste à pointer ses hampes, ce qui permet d'évaluer que la floraison a une bonne semaine de retard par rapport à d'habitude ;

- Gentiana verna subsp verna, la Gentiane de printemps et Gentiana acaulis (G. Kochiana) la gentiane acaule que tout le monde connaît mais a toujours du plaisir à admirer ;

 

Associé aux touffes de Viola calcarata, ce mélange harmonieux de plantes aux couleurs éclatantes ne peut que ravir nos yeux.

 

A proximité d'un petit écoulement d'eau voisin, beaucoup plus discrète, mais néanmoins très intéressante, une plante rare, endémique régionale : Androsace adfinis, l'androsace du Piémont. 

La troisième partie de la prospection va s'effectuer aux abords d'un petit torrent que nous traversons non sans observer au passage :


- Scilla bifolia, la Scille à deux feuilles qui pousse de 500 à 2000 m d'altitude. S'il n'est pas rare de la voir dans les jardins, il est assez exceptionnel de la rencontrer à l'état sauvage ;

avant de découvrir :

- Primula marginata, la Primevère marginée, plante protégée au niveau national, endémique des Alpes du Dauphiné et de la Provence en France ; de la Ligurie et du Piémont en Italie.

 

La Primevère marginée des Alpes Maritimes est une variété à part. Elle possède un nombre de chromosomes double de celui des individus des autres peuplements. (cf "Fleurs du Mercantour" Edité par le Parc du Mercantour).

 

Cette année sa floraison ici est retardée, mais nous avons la chance d'en voir une petite représentation, dans un endroit facilement accessible. Inutile de dire qu'elle remporte un vif succès.

 

Voilà une rencontre qui termine agréablement une matinée bien remplie et il est l'heure de chercher un endroit ombragé pour partager un pique nique convivial

La quatrième partie de la prospection s'effectue dans un vallon tout d'abord, où subsistent encore dans la partie supérieure, plus étroite, des névés.

 

C'est un festival de plantes, de couleurs. Nous retrouvons ici toutes les espèces rencontrées pendant la matinée.

La pente, qu'il faudra bien remonter ensuite, ne semble pas impressionner les orchidologues qui la dévalent prestement ; ils attendent une rareté :

 

- Fritillaria tubiformis subsp moggridgei, la Fritillaire de Moggridge (Liliacée). Ils ne vont pas être déçus : elle est présente en abondance, du bouton à la pleine floraison. Ses fleurs jaunes sont, ou non, tachées de pourpre. Protégée dans la région PACA, elle est endémique locale (des Alpes-Maritimes, Alpes de Hte Provence ainsi que d'un secteur de la Ligurie).

Ils ont même une autre surprise à laquelle ils ne croyaient plus, compte tenu de la date à laquelle nous sommes, avec la découverte inattendue de :

-         Erythronium dens-canis, la Dent de Chien (Liliacée) dont les feuilles ont été vues le matin. Elle est là, encore bien présentable, au pied d'une fritillaire. Elle affectionne les bois frais, les lisières et pelouses rocailleuses. Nous sommes décidément bien gâtés.

Deux renonculacées, en début de floraison, beaucoup moins rares mais toujours plaisantes à rencontrer, sont présentes là aussi, surtout dans la partie supérieure du vallon :

- Anemone alpina subsp alpina (Pulsatilla alpina subsp alpina), la Pulsatille des Alpes ; elle a des fleurs solitaires à 6 ou 7 tépales pubescents, bleus à l'extérieur ; blancs à l'intérieur ;

- Anemone narcissiflora, Anemone à fleurs de narcisse, laquelle a 2 à 8 fleurs groupées en ombelle ; chacune ayant 5 à 8 tépales rosés à l'extérieur, blancs à l'intérieur.

A leur côté :

- une curieuse petite fougère, un peu atypique : Botrychium lunaria, le Botryche lunaire (Ophioglossacée) en début de floraison

- une brassicacée, discrète par sa taille : Draba aizoides, la Drave faux aïzoon qui étale ses petites fleurs jaunes,

- Ranunculus pyrenaeus (R. kuepferi), la renoncule de Küpfer

- Geum montanum, la Benoîte des montagnes (Rosacée), seront les dernières plantes alpines admirées.

Mais avant de s'en aller à la recherche de l'Orchis pallens, tout le groupe n'hésitera pas à grimper au sommet du massif, vers le Fort de La Redoute des Trois communes, pour admirer le paysage et en particulier le Capelet supérieur, la Cime du Diable et même la pointe du mythique Mont Bégo que l'on aperçoit en arrière plan.

La dernière visite est donc réservée à l'Orchis pallens : nous trouverons, assez facilement accessibles, 7 pieds en plein floraison et apercevrons 7 autres pieds en boutons ce qui est surprenant à cette époque. Dans un endroit un peu moins accessible ce seront encore 8 plantes superbes, en pleine floraison et un peu plus loin 1 plante au bord de la route et 3 autres au-dessus.

 

Quelle formidable moisson de plantes et quel enthousiasme tout au long de la journée !

17 h 15, le groupe se disloque : les uns rentrent chez eux tandis que les autres se dirigent vers Breil-sur Roya, Sospel ou encore Tende pour y passer la nuit.


Ont participé à cette belle journée :

Boullenger Philippe (06), Dubois François (CH), Fassino Roland et Yves (04), Finet Elise et Jacques (25) Foucher Mireille et René (04), Gooris Jean-Claude (83) Guerin Michel (06), Hamard Danielle et Michel (13) Hebras Marie-Françoise (06), Kuenzi Eliane et Pierre-André (CH), Lerey Marie-Claude (06), Nicole  (06), Pinaud Annie et Michel (13), Saix François (30), Van den Wyngaert Viviane et Leo

 


SAORGE

 

Surplombant de 130 m environ, la vallée de la ROYA, ce charmant village entièrement piétonnier, est aussi à la quasi intersection de deux vallées : celle de la BENDOLA, une des plus sauvages des Alpes maritimes, et celle du CAÏROS, autrefois potager et vignoble des Saorgiens.

 

L'altitude du village, 500m, limite pour la culture de l'olivier, très insuffisante pour l'élevage, a imposé aux habitants un incessant mouvement d'aller-retour au gré des saisons, pour suivre les troupeaux, engranger le fourrage pour l'hiver, organiser des cultures vivrières, vivre autant que possible à proximité d'une source. Il reste maintenant d'innombrables terrasses (appelées ici restanques). Sur la commune, une partie d'entre elles a "perdu" ses propriétaires ; de ce fait, une sorte d'arrangement a été conclu entre les habitants pour leur exploitation.

 

Nous avions rencontré en 2011 M. Duvivier qui exploite et vit avec sa famille sur le site que nous avons prospecté. Il a des chevaux et nous avait dit qu'il évitait le surpâturage afin de ne pas mettre en péril le biotope.

 

Sortie du dimanche 13 mai 2012

 

Après une sympathique et agréable soirée à "La Bonne Auberge" à Breil sur Roya, (7 kilomètres de Saorge) où se sont réunis 17 participants pour partager un repas convivial nous avons accueilli 6 autres participants qui avaient dormi à Tende, Sospel ou arrivaient de chez eux. C'est sous un soleil chaud et prometteur… que nous avons pu "démarrer" notre journée.

 

Aux confins du département des Alpes Maritimes, l'accès à notre site de prospection nécessite un cheminement sans difficulté, d'une demi-heure, dans un paysage grandiose. Cette année, comme d'habitude, les restanques que nous scrutions de loin étaient très verdoyantes.

 

Lorsque le 8 mai 1998, au hasard d'une randonnée pédestre, à la sortie d'un virage, j'ai découvert, éberluée, une immensité rose, c'était comme ces champs de coquelicots que l'on a plaisir à voir parfois à cette saison. Ici c'était rose de Neotinea tridentata, des milliers, parmi lesquels se "cachaient" de nombreuses autres espèces d'orchidées : époustouflant ! Depuis cette date, j'ai visité quasiment chaque année, entre le 8 et le 26 mai, cette station d'exception, avec toujours autant de plaisir et de satisfaction, tout en notant, depuis 2 ans, une amorce de transformation du biotope.

 

Le 13 mai de cette année, à la sortie du même virage, j'ai découvert une barrière électrifiée, "flambant neuf", qui entourait un parc à chevaux sur toute la zone sud-ouest de notre prospection (la plus fournie habituellement en nombre de plantes) et… 4 Neotinea tridentata, à proximité immédiate. Aïe !

 

Pourquoi un si grand changement ? les conditions climatiques très certainement ; mais compte tenu de la vitesse à laquelle le biotope s'est modifié cette année, elles ne sont pas les seules responsables et je pense que si nous voulons préserver ce site d'exception, il faut entreprendre une action efficace.

 

La prospection s'est donc déroulée dans la partie hors clôture où nous avons pu découvrir malgré tout un bon nombre d'espèces, en moindre quantité certes, mais qui a néanmoins enthousiasmé les orchidologues :

 

En début de floraison :

- Gymnadenia conopsea

- Himantoglossum hircinum

 

En pleine floraison :

- Anacamptis pyramidalis

- Cephalanthera longifolia

- Neotinea tridentata

- Neotinea ustulata

- hybride Orchis tridentata X Orchis ustulata = Orchis Xdietrichina

- Ophrys druentica ou Ophrys pseudoscolopax (au choix du lecteur)

- Orchis anthropophorum

- Orchis militaris

- Platanthera bifolia

- Serapias vomeracea

 

En fin de floraison:

- Anacamptis morio

- Ophrys drumana ou saratoi (au choix du lecteur)

- Ophrys lutea

- Ophrys virescens

 

En fruits :

- Himantoglossum robertianum

 

Soit 16 espèces plus 1 hybride, ce qui, au niveau de la variété, représente une intéressante prospection.

 

Nous aurions probablement encore pu trouver quelques autres espèces, après notre amical pique nique, si un orage accompagné de fortes bourrasques de vent ne nous avait pas contraint à trouver un refuge pour nous mettre à l'abri et finalement à abandonner le site et nous séparer à regret. Quelques optimistes qui étaient montés en short et tee shirt, sans protection pour la pluie, garderont probablement en souvenir, leur retour quelque peu humide !

 

Ont participé à cette journée :

BLAIS Pierre-Michel (83), BLANCHARD Anny (06), Boullenger Philippe (06), Dubois François (CH), Fassino Roland et Yves (04), Finet Elise et Jacques (25) Foucher Mireille et René (04), GAIGN Mireille (06), Gooris Jean-Claude (83), Hamard Danielle et Michel (13), Kuenzi Eliane et Pierre-André (CH), Lerey Marie-Claude (06), PALLANCA Sandrine (06), Pinaud Annie et Michel (13), Saix François (30), Van den Wyngaert Viviane et Leo (BE)